Djasans
Patois Jurassien

Djasans Patois Jurassien

Publié dans le Quotidien Jurassien le 25 juillet 2025

Ènne prayiere que convïnt

En lai raissatte, ès r’cevant des envellies. Ç’ât lai premiere comm’nion di p’tèt David. C’ment le temps ât bé, ès prenyant l’apéro â d’vaint l’heus dôs le gros nouechie qu’é pus d’ cent ans. Ès r’venyant â poiye po l’ banquèt. Lai mére, que ritte di poiye és foénats èt des foénats â poiye, demainde en son boûebe de faire lai prayiere aivaint le r’cegnon. Ci p’tèt David ât craingnou. Ces dgens endûemoénnés que boyant sat èt que djâsans foûe yi faint ïn pô pavou.
- Qu’ât-ce qu’i poérrôs bïn dire ? qu’è d’mainde en sai mére.
- Eh bïn, répond lai mére, te n’és qu’è répétaie ce que t’ m’és oûyi dire bïn des côps. Te t’sovïns ?
- Poidé ô, Mére.

Èlle prend son boûebat poi lai main, rentre dains le poiye èt s’aidrasse és envèllies :
- Adj’d’heu, ç’ât not’ David que f’ré lai prayiere aivaint le r’pés. Bote-te li, mon p’tèt. Djâse pie. Ès ne vlant p’ te maindgie.

Drassie d’vaint ci bé monde, le David prend son çhioûçhe èt dit d’ènne frég’lainne voûe : « Mon Dûe, mon Dûe, poquoi qu’i aî encoé invitè tos ces beûjons ? »

Notes
Ènne prayiere que convïnt, une prière de circonstance (qui convient)
lai raissatte, la scierie
d’ènne frég’lainne voûe, d’une voix tremblante


Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Une prière de circonstance

À la scierie, on reçoit des invités. C’est la première communion du petit David. Comme le temps est beau, l’apéritif est servi dehors, sous le gros noyer plus que centenaire. Les convives se retrouvent au salon pour le banquet. La mère, qui court du salon aux fourneaux et des fourneaux au salon, demande à son garçon de faire lai prière avant le repas. Le petit David est mal à l’aise. Ces gens endimanchés qui boivent sec et qui parlent fort l’intimident.
- Qu’est-ce que je pourrais bien dire ? demande-t-il à sa mère.
- Eh bien, répond-elle, tu n’as qu’à répéter ce que tu m’as entendu dire bien souvent. Tu te souviens ?
- Mais oui, Maman.

Elle prend son garçonnet par la main, entre au salon et s’adressant aux invités :
- Aujourd’hui, c’est David qui fera la prière avant le repas. Mets-toi là, mon petit. Parle sans crainte. Ils ne vont pas te manger.

Debout en face de ce beau monde, David prend son souffle et dit d’une voix tremblante : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi j’ai encore invité tous ces beujons ? »

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